Pourquoi ce blog ?

Nous publions ici les nombreux témoignages reçus dans les jours qui ont suivi le décès d'Andrée Dutreix. C'est aussi l'occasion de retracer et d'illustrer le parcours de cette femme, dont les qualités humaines et scientifiques sont unanimement reconnues et qui a été à l'origine du développement de la physique médicale en France.

Henry Bouhnik
Institut Gustave Roussy 1960

C’est avec une infinie tristesse que j’apprends le décès d’Andrée Dutreix.

C’était une Dame, une scientifique de grande valeur, d’une grande générosité, une personne sortant du commun avec un caractère entier, sans concession.

J’ai rencontré Andrée alors que j’avais 22 ans, aujourd’hui j’en ai 4 fois plus. Je revenais de Sfax, c’était pour moi une période trouble. J’étais démuni. Andrée et Jean Dutreix , m’ont accueilli, ils m’ont aidé à trouver un chemin dans ma vie, ils m’ont aidé à rentrer dans cette petite famille de l’époque qu’était la physique médicale ; elle est devenue aujourd’hui une grande institution. Andrée et Jean et n’ont soutenu et toujours accompagné sur ce chemin. Je leur suis infiniment reconnaissant.

Andrée et Jean m’ont conduit à l’université de Limoges, Limoges la ville natale de Jean. Là j’ai découvert qu’avec son père Armand, ils étaient des Justes, on dit en hébreu des Hassidim, des sages. Ils étaient parmi ceux qui au détriment de leurs vies ont fait que dans les années noires de l’occupation nazie, la France s’est maintenue digne et a tenu tête à l’occupant.

Andrée et Jean étaient alliés, Alliés dans les moments de labeur, Alliés dans les moments consacrés à développer la physique des radiations, Alliés pour que la radiothérapie participe efficacement à vaincre les cancers , Alliés ils étaient tout simplement dans tous les moments de la vie.

Andrée et Jean l’aimaient cette vie ! ils saisissaient tous les moments pour les partager avec leurs enfants et petits-enfants ; ils trouvaient aussi des moments de générosité qu’ils  consacraient aux autres.

Pendant de nombreuses années nous sommes restés proches aussi bien à l’aider à tirer sa charrette (c’est une expression qui vient d’elle) dans ses activités professionnelles, durant les nombreuses années passées à l’institut Gustave Roussy, et aussi quelquefois nous nous rencontrerions dans la vie privée. Elle aimait les enfants ; je me souviens, de l’époque où nous étions invités avec ma fille Noémie à cueillir les cerises de son jardin avec sa petite fille qui avait le même âge que Noémie.

Il nous arrivait avec Andrée de parler cuisine et de l’utilisation des épices. D’ailleurs il y a quelques années elle m’avait prêté un livre, une sorte de lexique poétique sur l’utilisation des épices que je ne lui ai pas rendu, mais elle m’avait dit que je pouvais le garder.

Les années sont passées nous nous sommes perdus de vue mais j’avais quelques fois de ses nouvelles. Nous avancions en âge. Je voulais la revoir.  Je l’ai retrouvé dans son Ile d’Yeu dont elle et Jean étaient tombés amoureux, nous a-t-elle dit, et qu’elle ne voulait plus quitter.

Nous l’avons rencontrée avec Hélène* dans sa maison qu’elle nous a fait visiter. Toutes les choses qui étaient là, avait leur raison d’être. Même les météorites qu’elle trouvait sur la plage à quelques centaines de mètres de sa maison.

Elle nous disait qu’après la mort de Jean elle restait de long moment, assise sur un rocher à regarder la mer . Les cendres de Jean ont fini par se retrouver dans la mer. Andrée ne regardera plus la mer, ses cendres iront aussi dans cette cet océan.

Après la visite de la maison, Il fallait absolument que l’on déguste la fameuse tarte de l’ile d’Yeu, qu’elle est allée chercher, chez le « meilleurs pâtissier de l’ile qui est devenu un ami ». Elle utilisait toujours pour faire ses courses, sa vielle voiture qui reste garée devant sa maison.

Nous avions promis de nous revoir mais elle nous a dit "ce n’est pas sûr…".  Elle avait raison, Hélène est partie, Andrée est partie… je serai le prochain.

 

* Hélène Beauvais-March, DEA Toulouse 1983, décédée en 2022